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Un changement inspirant : Des femmes pêcheuses comoriennes visitent Zanzibar pour s’informer sur la gestion des ressources

Un échange d’apprentissage à Zanzibar a encouragé des femmes comoriennes à former une association et à organiser une fermeture temporaire de la pêche. Traduction d’un article publié par notre partenaire Blue Ventures. Par Effy Vessaz

« Toute ma vie, j’ai vu des poissons nombreux et variés dans la mer. Il y en avait toujours assez pour nourrir toutes nos familles. Maintenant, le poisson que nous mangions est devenu rare. Les jeunes du village ne s’en rendent pas compte, mais certains des poissons que nous mangeons maintenant n’étaient même pas considérés comme comestibles auparavant. J’ai réalisé que nous, en tant que communauté, devions faire quelque chose. Certains membres de notre collectivité dépendent complètement des ressources du rivage, car ils n’ont pas de bateaux pour aller pêcher ailleurs. Nous devons faire quelque chose pour préserver ces ressources pour eux. »- Doyen du village de Tumbatu, Zanzibar.

À Zanzibar – comme dans beaucoup d’autres régions du monde – une population croissante, un manque de moyens de subsistance alternatifs et des engins de pêche plus efficaces ont conduit les communautés côtières à surexploiter leurs ressources marines.

Certaines de ces communautés, avec le soutien de notre organisation partenaire Mwambao, ont expérimenté la fermeture de leurs zones de pêche au poulpe pendant trois mois consécutifs et ont été témoins des avantages financiers que cette forme de gestion des pêches peut apporter.

L'ouverture de la pêche au poulpe à Zanzibar après une fermeture temporaire | Photo: Mwambao

L’ouverture de la pêche au poulpe à Zanzibar après une fermeture temporaire | Photo : Mwambao

Aux Comores, nous soutenons notre organisation partenaire Dahari avec le développement d’initiatives de gestion marine communautaire, notamment dans trois villages de l’île d’Anjouan : Dzindri, Salamani et Vassy. Les femmes de ces communautés pêchent le poulpe et d’autres espèces marines sur le platier, et elles ont remarqué des captures décroissantes et une diminution constante de la taille du poulpe au fil des ans. Conscientes que la gestion des pêches pourrait améliorer leur situation, les pêcheuses nous ont dit qu’elles étaient motivées pour commencer à gérer leurs ressources plus efficacement.

Octopus fisherwomen in Anjouan, the Comoros | Photo: Garth Cripps

Pêcheuses de poulpes à Anjouan, Comores | Photo: Garth Cripps

En tant que gestionnaire du projet Comores de Blue Ventures, j’ai eu l’opportunité d’organiser une visite d’échange à Zanzibar en janvier 2018. Le groupe d’échange comprenait quatre pêcheurs comoriens d’Anjouan – Ma Marifka, Nadjib, Siti et Zaina -, une membre de l’équipe marine de Dahari – Fatima – et moi-même. Le but de cette visite était, avec le soutien de Mwambao, de rencontrer les communautés de pêcheurs de Zanzibar, d’échanger des compétences et des expériences avec eux, et d’en apprendre davantage sur leur succès avec la fermeture temporaire de la pêche au poulpe.

J’ai découvert au cours de notre voyage qu’il y a beaucoup de similitudes entre la langue comorienne – shikomori – et la langue zanzibari – le kiswahili. Par exemple, lors d’un délicieux repas préparé par nos hôtes de Zanzibar, nous avons appris que le poisson-lapin que nous mangions était appelé « ntasi » dans les deux langues. Des similitudes de ce type ont rendu la communication plus fluide et créé une atmosphère confortable entre les visiteurs comoriens et leurs hôtes.

Shared experiences: the Zanzibari fishers chat with their Comorian visitors

Expériences partagées : les pêcheurs de Zanzibar discutent avec leurs visiteurs comoriens

Il y a aussi des similitudes culturelles, et en écoutant tout le monde rire ensemble, j’ai pu sentir qu’ils étaient tous connectés. Des expériences partagées ont été évoquées, enracinées dans des traditions et des valeurs similaires, ce qui a considérablement accru l’impact de l’échange sur les pêcheurs comoriens. Les histoires zanzibaraises ont résonné profondément dans leur propre contexte.

Les pêcheurs comoriens, leurs hôtes zanzibaris, et le personnel de Dahari et Mwambao

Au cours de l’échange, nous avons rencontré trois communautés de pêcheurs de Zanzibar et découvert les différentes façons au travers desquelles elles se sont réunies et organisées pour gérer leurs ressources. Les pêcheurs comoriens ont été impressionnés de voir comment les avantages des fermetures temporaires de la pêche au poulpe étaient partagés au sein des communautés et comment ils finançaient des projets tels que la construction d’une école ou un bureau pour le comité des pêcheurs. Les communautés de Zanzibar ont également partagé les défis auxquels elles étaient confrontées et ont souligné l’importance de la cohésion sociale et de la communication lors de la planification d’une fermeture.

« Il est très important de planifier les étapes soigneusement avant la fermeture, de réfléchir à tous les détails et de s’assurer que le comité des pêcheurs est composé de gens forts et honnêtes, pour assurer la transparence et le respect. » Mtende Sheha, membre du comité des pêcheurs, Zanzibar.

Nous avons également eu l’opportunité de voir de près les environnements marins de Zanzibar. Tout en marchant sur le platier à marée basse, tous les membres du groupe d’échange ont remarqué l’abondance de vie par rapport à ce qu’ils ont chez eux à Anjouan. À Zanzibar, les pratiques de pêche destructrices – telles que l’utilisation de bâtons en métal ou de poisons – sont interdites et l’interdiction est effectivement appliquée par la communauté, alors que ces mêmes pratiques sont malheureusement courantes aux Comores. Ce moment a vraiment ouvert les yeux des visiteurs.

Dau, traditional Zanzibari fishing boats, stranded on the beach during low tide

Dau, bateau de pêche traditionnel de Zanzibar, échoué sur la plage à marée basse

« Quand je vois tous ces poissons, je réalise à quoi pourraient ressembler nos mers si nous arrêtions d’utiliser l’uruva (une plante vénéneuse) pour pêcher. D’autres membres de nos communautés doivent s’en rendre compte et nous devons agir pour y mettre un terme. »- Ma Marifka, pêcheuse comorienne

The Comorian fishers visiting a Zanzibari fish market

Les pêcheurs comoriens visitant un marché aux poissons de Zanzibar

Tout le groupe d’échange a quitté Zanzibar en se sentant inspiré et bien équipé avec des histoires et des photos à partager au retour à la maison. Ma Marifka, Siti, Zaina et Nadjib ont décidé de rassembler leurs trois communautés et d’initier des stratégies similaires sur Anjouan à celles qu’ils avaient vues à Zanzibar. Ils ont commencé à planifier les premières étapes pour le faire avant même que l’échange ne soit terminé – une scène qui a mis mon cœur en joie !

« Nous devons nous organiser avec les pêcheuses des trois villages, nous assurer que tout le monde est d’accord, puis mobiliser le plus de monde possible pour aider à améliorer la pêche de nos familles. »- Zaina, pêcheuse comorienne

À notre retour aux Comores, les membres du groupe d’échange ont partagé leur enthousiasme avec leurs communautés en présentant leurs expériences dans les trois villages de Dzindri, Salamani et Vassy.

Siti, l’une des pêcheuses qui a participé à l’échange, a partagé ses expériences avec sa communauté aux Comores.

Cet effort de mobilisation de leurs communautés a été couronné de succès et, deux mois après l’échange de Zanzibar, une association de femmes pêcheuses est née. Elle a été nommée “Maecha Bora” – “vie paisible” en Shikomori – et comprend plus de 80 femmes des trois villages qui ont décidé de combiner leurs efforts et de gérer collectivement leurs ressources marines. Zaina, qui a participé à l’échange de Zanzibar, est la vice-présidente de l’association !

Je me sens très fière de pouvoir soutenir ces femmes, car c’est la première fois dans ces trois villages que les femmes seront représentées dans les associations de gestion des pêches. Elles ont désormais leur mot à dire dans la prise de décision et sont en mesure d’apporter des changements, une grande réussite et une reconnaissance bien méritée pour ces pêcheuses.

L’association nouvellement formée n’a pas perdu de temps et s’est réunie régulièrement, profitant des connaissances approfondies de Blue Ventures sur les fermetures temporaires de pêches pour planifier les siennes et discuter de logistique comme la zone de fermeture et le système de surveillance. Parallèlement à ces réunions, les femmes pêcheuses ont continué à mobiliser les gens dans leurs propres villages et ont même commencé à rencontrer les villages voisins pour discuter de leur nouvelle initiative.

Les principaux membres de Maecha Bora, la nouvelle association des femmes pêcheuses. Zaina, qui a participé à l’échange de Zanzibar, est agenouillée à gauche.

Au début du mois de mai, l’association des femmes pêcheuses, soutenue par Blue Ventures et Dahari, a organisé avec succès la première fermeture temporaire de la pêche au poulpe à Anjouan, une réalisation remarquable ! Pour marquer le coup, une célébration publique a eu lieu au cours de laquelle les pêcheuses ont effectué un tari, des chants et danses traditionnels.

La cérémonie publique à l’occasion de la fermeture de la pêche

Je sais que je n’étais pas la seule à me sentir émue par leur chanson, spécialement écrite pour l’occasion, et qui soulignait l’importance de la gestion des ressources marines : « L’environnement est prioritaire ; Maecha Bora est pleinement consciente de la réalité ; éveillons une nouvelle ère pour réduire la pauvreté ; agissons pour de bons rendements et soyons indépendants ensemble. »

Des membres de Maecha Bora en plein “tari”

Notre partenariat avec Dahari au cours des deux dernières années a été enraciné dans l’implication des communautés d’Anjouan au travers de méthodes participatives pour améliorer leurs moyens de subsistance. En agissant avec humilité et en donnant la priorité aux communautés, nous avons gagné leur confiance et il a été extrêmement gratifiant de les voir prendre en main le sort de leurs ressources et organiser cette fermeture temporaire de la pêche au poulpe.

Nous espérons que le succès de cette fermeture renforcera davantage l’engagement au sein des communautés anjouanaises pour une gestion durable accrue de leurs ressources marines et ouvrira la voie à des actions de conservation plus larges à l’avenir. Avant toute chose, les communautés ont une fermeture temporaire à gérer, et Siti m’a dit fièrement :

« Nous devons réussir dans la mise en place de cette fermeture temporaire, afin que nous puissions inviter nos amis zanzibaris à la réouverture pour leur montrer ce que nous avons accompli »

Effy Vessaz / Blue Ventures

La version originale de cet article en anglais sur le site de Blue Ventures :

Inspiring change: Comorian fisherwomen visit Zanzibar to learn about resource management