À environ 1 000 m d’altitude, la température baisse la nuit et, à 19 heures, l’équipe de recherche, composée d’écologistes de Dahari et d’étudiants de l’Université des Comores, porte déjà des pulls. Pour être honnête, la fraîcheur est un vrai soulagement par rapport aux températures que nous vivons en ville durant la journée – la saison des pluies ici à Anjouan est chaude et humide !
Cette nuit-là, nous avons planté nos tentes sur un plateau au nord du village d’Adda, à proximité d’un site important pour le repos et l’alimentation des chauves-souris de Livingstone, l’une des plus rares et des plus grosses chauves-souris du monde. Ce sont elles la raison de notre présence ici : Dahari et l’Université des Comores ont lancé un projet de recherche pour savoir où vont les chauves-souris, ce qu’elles mangent et comment elles utilisent leur habitat, dans le but à terme de trouver de meilleurs moyens de les protéger de l’extinction.
Les chauves-souris sont menacées par la destruction de la forêt, leur habitat naturel. Elles dépendent des grands arbres dans les zones forestières pour se percher pendant la journée. Un site dortoir peut être composé de plusieurs arbres et est important pour les contacts sociaux et un repos sans perturbations. Nous savons où se trouvent tous les principaux dortoirs sur l’île d’Anjouan, et Dahari travaille d’arrache-pied avec les propriétaires terriens locaux pour protéger ces arbres. Cependant, les sites dortoirs ne sont pas les seuls zones à protéger : les sites d’alimentation sont aussi des sites clés. Mais comme très peu de connaissances existent sur où, quand et ce que mangent les chauves-souris de Livingstone, nous avons donc lancé, avec le soutien du CEPF et de la Fondation Rufford, la première étude de suivi GPS de ces chauves-souris !
Disparition de la forêt
En plus d’identifier des sites d’alimentation, nous prévoyons de mieux comprendre comment les chauves-souris gèrent le paysage fragmenté. À Anjouan, il ne reste que très peu de forêt naturelle et les fragments de forêt sont souvent situés sur des pentes abruptes et très éloignés. Heureusement pour elles, les grandes chauves-souris peuvent parcourir de longues distances. Les champs et les plantations offrent également encore quelques arbres pour une chauve-souris fatiguée, mais des recherches antérieures ont en fait montré qu’en général les chauves-souris n’aimaient pas rester dans des espaces ouverts – nous verrons comment les chauves-souris de Livingstone se débrouillent ici aux Comores.
En janvier et février 2019, nous avons fixé des colliers GPS sur deux individus : une femelle et un mâle. Les balises GPS enregistrent leurs mouvements de manière très détaillée et nous fournissent également des informations sur la vitesse à laquelle l’animal se déplace lorsque les points sont pris. Avec néanmoins une légère difficulté : il faut retrouver les chauves-souris pour télécharger les données des balises ! Ainsi, pendant les deux premières semaines qui ont suivi la pose des GPS, l’équipe a passé son temps à chercher les chauves-souris aux alentours d’Adda, Outsa, Ouzini et même de Moya… Heureusement, nous les avons trouvées au bout de quelques jours et les premières données dont nous disposons nous indiquent déjà où elles aiment passer leurs journées, ce qui a beaucoup aidé. Maintenant, il suffit simplement de se rendre à leurs dortoirs préférés pendant la journée pour pouvoir télécharger les données.
Les colliers GPS sont légers et ces chauves-souris géantes peuvent les porter facilement. Les colliers pèsent 20 g chacun ; sachant que le poids moyen d’une chauve-souris est de 630 g, ils ne posent aucun problème aux animaux. En outre, nous les avons conçus de manière à ce qu’ils tombent tout seuls au bout de six à huit semaines environ. Cela laissera les chauves-souris sans aucune trace et nous pourrons alors, si tout va bien, récupérer les balises GPS et les réutiliser ultérieurement.
Identifier les sites d’alimentation
Ces deux chauves-souris sont des individus très actifs et, dès la première semaine, Dahari a été en mesure d’inclure les endroits qu’elles ont visités fréquemment dans le projet de surveillance participative. La prochaine étape consiste à identifier les sites d’alimentation (l’équipe d’écologie devra se rendre sur le terrain à nouveau pour connaître l’espèce arboricole).
Pendant ce temps, les chauves-souris voleront et tant que la batterie durera sur les balises GPS, elles continueront à nous donner plus d’informations sur leur vie… Nous sommes impatients de découvrir leur prochaine destination !