Les forêts jouent un rôle vital dans la régulation climatique, la préservation de la biodiversité et la protection des ressources en eau. Au cours des trente dernières années, Anjouan a perdu 80 % de ses forêts. C’est l’un des taux de déforestation les plus élevés au monde. Consciente de ces enjeux, l’ONG Dahari a lancé une nouvelle approche pour les Comores, consistant à signer des accords de conservation individuels avec les agriculteurs.trices locaux. Ces accords engagent les agriculteurs.trices à ne pas couper les arbres natifs et à mettre leurs parcelles situées dans les zones forestières en jachères. En échange de cet engagement, les agriculteurs.trices reçoivent des transferts monétaires, calculés en fonction de la taille de la parcelle mise en conservation durant la durée du contrat.
Processus de sélection des agriculteurs.trices
Des réunions individuelles et des focus groupes se sont tenus dans le village de Adda avec 32 agriculteurs.ices sur les 135 recensés dans les zones forestières ciblées pour les premiers accords. Au cours de ces réunions, nous avons collecté des informations sur leurs perceptions de la conservation de la forêt et recueilli leurs recommandations sur les étapes et les conditions de succès pour la mise en œuvre des accords.
Mr. Abdou Mohamed mobilisateur communautaire au parc national Mont Tringui nous donne ces impressions : « Cette nouvelle approche sur la conservation des forêts existantes aura plus d’impacts que de procéder à des reboisements. Car les campagnes de reboisement nécessitent un bon suivi et beaucoup d’entretiens et que les arbres forestiers grandissent très lentement. En revanche, avec cette approche de Dahari, les propriétaires des terrains situées dans les zones forestières ont volontairement accepté d’abandonner leurs champs pour soutenir la conservation des forêts. Il y a donc un grand espoir que les grandes arbres restent et avec la régénération naturelle, la forêt retrouve son état d’antan, pour le plus grand bénéfice de la population. »
La sélection des parcelles pour les accords de conservation repose sur des critères sociaux et écologiques stricts :
- Des enquêtes socio-environnementales sont menées dans les villages avec les propriétaires des parcelles situées dans les zones forestières à hauts risques de défrichement dans les trois prochaines années. En conséquence, nous avons retenu ces parcelles pour lancer cette phase pilote.
- Visite d’évaluation : notre équipe du programme Forêts évalue les parcelles en prenant des coordonnées géographiques, des mesures de la parcelle. Elle évalue également la végétation et la présence d’arbres natifs.
- Discussions explicatives : avec les agriculteurs.trices pour expliquer les termes de l’accord, les bénéfices attendus et les responsabilités associées.
Protéger la biodiversité et les ressources en eau
Les accords de conservation visent à réduire considérablement la déforestation et à protéger les espèces locales. Ils contribuent à maintenir les écosystèmes forestiers en bonne santé. Dans ces contrats, il est interdit de couper les arbres natifs et de défricher les parcelles forestières. Par conséquent, les forêts préservées agissent comme des réservoirs de biodiversité, abritant de nombreuses espèces végétales et animales. De plus, c’est la forêt qui assure la disponibilité de l’eau pour les communautés locales.
Ces accords appuient également le travail de Dahari sur la protection de la roussette de Livingstone (Pteropus livingstonii). Cette grande chauve-souris sombre est présente uniquement sur Anjouan et Mohéli. Son habitat naturel (les forêts nuageuses comoriennes) est très menacé.
Mr. Naouirou Abdou, donne son avis sur la protection des écosystèmes : « J’ai accepté de mettre ma parcelle à disposition conformément aux accords proposés par Dahari, pour conserver la forêt et maintenir les rivières qui sont en voie de disparition à cause des coupes d’arbres. Je lance aussi un message à tous les exploitants de la forêt :faire preuve de maturité et contribuer à la conservation de la forêt, car c’est notre vie qui est en danger. Dans la région de Nyumakele, nous souffrons énormément pour obtenir de l’eau simplement parce que nous allumons beaucoup de feux et abattons les arbres. »
Sur le long terme…
La signature de ces 30 premiers accords de conservation individuels marque une étape importante pour la protection des forêts d’Anjouan. D’ici 2027, nous comptons faire signer au total 1000 contrats avec l’objectif de conserver 1000 hectares des forêts d’Anjouan. De plus, cette approche complémentaire contribue aux efforts du gouvernement comorien et des parcs nationaux dans la conservation des forêts.
Dahari, les Parcs Nationaux des Comores et les communautés comoriennes œuvrent ensemble pour préserver les écosystèmes des Comores. Chaque accord signé est une victoire pour la forêt, ses espèces et les communautés dépendantes. Pour que cette initiative prospère, il est essentiel de soutenir les efforts de conservation à long terme. Nous devons aussi encourager et impliquer d’autres agriculteurs.trices à rejoindre ce mouvement vital.