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Etat des connaissances sur l’évolution des ressources et de la biodiversité au sein du Massif forestier de La Grille (Ngazidja)

Depuis 2019, Dahari conduit des études sur le Massif forestier de La Grille situé au nord de la Grande Comore. L’objectif est d’appréhender au mieux les dynamiques socio-économiques ainsi que les systèmes de gestion des terres et des ressources naturelles par les villageois. Nos équipes entretiennent par ailleurs des relations étroites avec les populations locales afin d’installer un lien de confiance et améliorer leur compréhension du contexte local. Cette capitalisation des savoirs servira de base au développement d’une intervention de gestion forestière et de développement agroforestier.

Dans cet article, nous vous proposons un aperçu synthétique de l’état de nos connaissances suite aux études menées.

Le Massif de la Grille : une richesse convoitée

Le Massif volcanique et forestier de La Grille débute à 800 m d’altitude et s’étend jusqu’au plus haut dôme, culminant à 1087 m. Il prend de multiples formes : forêt naturelle, forêt dégradée, forêt artificielle (principalement d’eucalyptus) et forêt sous-plantée (bananiers, taros…). La forêt est parcourue d’espaces à la topographie variée, entre des zones de plaines, un plateau maraîcher (le plateau de “La Grille”) et de nombreux cônes adventifs situés de part et d’autre du Massif dont l’inclinaison des pentes est variable (jusqu’à 33 %).

Cartographie des citernes, Léana Coutant, 2022

Le Massif abrite une richesse animale et végétale exceptionnelle, dont de nombreuses espèces endémiques. À l’inverse des autres îles, Ngazidja ne possèdent aucun réseau hydrographique de surface. Les habitants du Massif exploitent les quelques sources accessibles, notamment pour la zone de Maouéni et Ivembéni la source de Bondé. De nombreuses citernes ont également vu le jour depuis la période coloniale et participent aujourd’hui au développement agricole de la zone. 

Des activités forestières et agricoles en pleine expansion

Les activités économiques sont focalisées sur l’agriculture et les activités forestières : bois d’œuvre, bois de chauffe, le charbon. Ces dernières ont pris de l’ampleur et se sont professionnalisées au tournant des années 2000, conduisant à une intensification de l’exploitation des ressources.  La sécurité économique est aussi assurée, particulièrement par la présence, au sein des familles (particulièrement à Maouéni et Ivembéni), d’une diaspora habitant à l’étranger.

“Je fais du charbon pour subvenir à mes besoins comme payer l’écolage des enfants. C’est un travail qui ne prend pas beaucoup de temps, je le fais surtout en attendant la récolte de mes légumes, mais aussi quand j’ai besoin d’argent pour mon activité agricole comme acheter des produits.”
Ali, un agriculteur et charbonnier d’ivembéni, Enquête sur le charbon, 2023.

1- Fagots de bois de chauffe, Maroni – Maouéni, 2024 ; 2-Coupe de Mtsongoma pour la fabrication du charbon, Helendje, 2023

L’activité forestière intervient très majoritairement comme un complément de revenus important et surtout pérenne. En effet, celle-ci, à l’inverse de l’activité agricole qui est dépendante de la saisonnalité des récoltes, permet d’obtenir des revenus tout au long de l’année.

Concernant l’agriculture, qu’elle soit vivrière à travers la culture sous couvert forestier (banane, tarot, manioc) ou maraîchère (choux, tomates, petsaï, carottes…), celle-ci est fortement demandeuse en espace, en eau et en intrants. Le défrichage (coupe rase) pour l’installation de nouvelles parcelles est une pratique courante, et ce, depuis la décolonisation.  Celle-ci s’accroît au fur et à mesure que l’accessibilité aux zones lointaines du Massif augmente. En effet, au cours des cinq dernières années, les chemins à travers le Massif font l’objet de réhabilitation par les villageois eux-mêmes afin d’être rendus accessibles aux camions et aux motos bennes. Cette logique de front pionnier laisse entrevoir une aggravation de la déforestation au profit des activités agricoles et forestières.

Dégradation de la forêt et prise de conscience villageoise

Les conséquences des activités agricoles et forestières sur la forêt de La Grille sont aujourd’hui indéniables. Nombreux sont les témoignages de villageois assurant l’intensification de la coupe d’arbre depuis le début des années 2000, et témoignant de la disparition d’espèces d’arbres endémiques. Cette disparition est telle qu’elle entraîne un ralentissement des activités sur la coupe du bois d’œuvre, ainsi qu’un phénomène de front pionnier. Les bûcherons sont à la recherche de nouvelles zones de coupe où les espèces de « grands » arbres sont toujours présents.

Prise de vue aérienne du Massif de la Grille

Nos recherches à La Grille ont permis de faire émerger deux phénomènes principaux :

  • La place dominante prise par la culture sous-couvert forestier, détruisant les écosystèmes forestiers sous la canopée et grignotant la forêt de manière moins visible de premier abord.
  • Les conséquences en cours et à venir des évolutions récentes :
    • L’utilisation grandissante de la scie électrique facilite et accélère la coupe.
    • Les villageois s’organisent pour financer eux-mêmes la réhabilitation et la construction de chemins au cœur du Massif, afin de le rendre plus accessibles aux camions et motos bennes et faciliter la réalisation des activités agricoles et forestières.

Les différentes enquêtes réalisées sur les activités forestières mettent en avant la disparition des espèces d’arbres de bois dur tels que : l’Aphloia theaeformis (Mfandrabo), l’Octea Comorensis (Mkafre), l’Olae lanceolata (Ndrihali), le Khaya Comorensis (Mtakamaka).

Autrefois les parcelles étaient couvertes d’arbres, c’était la forêt. Mais aujourd’hui avec la coupe, il n’y a plus d’arbres. Aujourd’hui je ne veux plus qu’on vienne couper sur mes parcelles et je replante moi-même des arbres. La forêt disparaît d’année en année. La communauté est à la recherche de revenus, c’est pour ça qu’elle exploite de manière sauvage la forêt. Aujourd’hui il faut se rendre dans des zones lointaines pour trouver des bons arbres à couper.
Bacar, agriculteur à Ivembéni, enquête sur le bois d’œuvre, 2024

Les études démontrent une réelle prise de conscience villageoise sur la disparition croissante de services écosystémiques rendus par la forêt : régulation climatique (température, maintien de l’eau, érosion, fertilité de sols…), approvisionnement en bois, en plantes médicinales, etc. De ce fait, Dahari recherche, de manière participative avec les communautés, des solutions adaptées pour restaurer la forêt du Massif de La Grille et répondre aux besoins des populations locales.

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